Par Dr Alfred Tomatis
Pour parler, il faut que l’Être, ce devenir en puissance, cette implacable volonté d’accéder à la connaissance d’une vérité, se mette à vouloir utiliser le corps à des fins de communications. Pour que la parole émerge sur le plan humain, il faut que la pensée s’incarne, qu’elle habite le corps, qu’elle devienne la pensée verbalisée ou verbe humain, émanation directe du Logos, de ce Logos qui s’offre en une image limpide et cristalline de la pensée non encore enchaînée dans sa condition humaine. La réalisation de la fonction parlée ira jusqu’à l’expression d’où se dégageront tous les symboles de l’humanité.
La difficulté pour jouer du corps humain, pour s’en servir jusque dans la parole, réside dans le fait qu’il faut apprendre à le connaître, à le fabriquer en quelque sorte. L’homme est à la fois le luthier, le fabricant de son instrument et aussi le virtuose. Pour renforcer cette notion de corps-instrument de la pensée, l’on peut aisément utiliser ici une analogie avec un instrument de musique. Connaître les composants de cet instrument, les éléments qui le constituent, savoir dans les moindres détails de quel bois il est bâti, de quel vernis il est couvert, de quelles cordes il est muni pour déterminer sa mise en résonance, est une chose ; connaître sa forme, son volume, ses qualités sonores, ses caractéristiques acoustiques, est une autre chose ; enfin, découvrir son maniement pour en libérer les accords dont il est capable d’entretenir l’harmonieuse association vibratoire est un troisième aspect du problème. Cependant, toutes ces notions évoquées, superposées, associées, ne donneront jamais la possibilité de savoir en jouer. Il n’y a pas d’instrument en fait qui se soit pris à vouloir jouer de lui-même.
[…] L’homme fait de son corps un prolongement de la pensée, pour en extraire l’expression humaine de la conscience. Tout se passe comme si cette dernière ayant son expression propre, indépendante de ce corps, faisait jaillir des accents différents selon l’instrument et l’artiste qui en joue. Le polymorphisme humain suffit, à lui seul, à faire entrevoir la multiplicité des moyens d’extériorisation de la pensée. Si la pensée est une, sa traduction humaine par contre, fuse de toutes parts de l’immense kaléidoscope qu’est l’humanité, dont la totalité des réponses rejoint la pensée universelle dans son absolu.
Source : Extrait de A.A. Tomatis, « De la communication intra-utérine au langage humain », ESF.