Par Corinne Viggiano (enseignante).
De nos jours il semblerait que la laïcité devienne l’enjeu de bien des combats d’origine identitaire, et qu’au lieu d’apaiser elle suscite divisions et incompréhensions, exactement le contraire de ce qu’elle se propose d’apporter dès l’origine : une tentative d’éclairer le peuple et de le rassembler au-delà des convictions culturelles et religieuses. Mais la laïcité telle qu’elle est proposée et apprise à l’école n’a aucun fondement spirituel.
Le spirituel est d’ordre purement intérieur et individuel ; la laïcité, qui ne désigne que la séparation de l’Église et de l’État, ne se réfère qu’au civisme citoyen où toute dimension métaphysique est absente et toute référence à la conscience individuelle exclue.
Unir, rassembler, mettre en évidence le lien qui unit les hommes entre eux et l’Humanité dans son ensemble doit être la tâche du 21ème siècle si nous ne voulons pas sombrer dans la folie pure de la lutte organisée de tous contre tous, dans l’incompréhension généralisée d’un monde multiculturel et multiforme qui cherche désespérément son axe, son point de rassemblement.
L’axe, nous le portons en nous, de façon naturelle, de par notre condition humaine. Au-delà des cultures, au-delà des religions, des idéologies, philosophies et convictions, il y a ce qui est inscrit naturellement en nous, que nous partageons tous sans exception : notre identité d’Homme ; cette identité commune qui nous hisse au-delà de l’état d’animal, qui prévaut sur toutes les autres identifications et qui nous donne des droits et des devoirs.
C’est la liberté et non la laïcité qui est l’espace naturel, non religieux, non idéologique, l’espace sacré où la liberté de conscience de chacun est respectée dans son intégralité, parce qu’elle est la spiritualité en action, le cheminement naturel inscrit dans la conscience de l’Homme pour accomplir sa destinée individuelle en harmonie avec les lois unitaires de l’univers. La liberté n’est pas le droit de faire n’importe quoi, mais s’impose comme le devoir d’AGIR EN CONSCIENCE.
Une éducation « réaliste », au-delà de toute croyance religieuse ou idéologie, doit se recentrer en priorité sur l’écoute de cette voix de la conscience qui, lorsqu’elle n’est pas voilée, indique clairement à chacun ce qu’il doit faire ou non, ce qui donne un sens à la responsabilité individuelle que trop souvent on confond avec l’obéissance.
Comme le dit le Dr Daniel Chevassut, il règne actuellement une grande confusion dans la façon d’aborder la laïcité : « De nombreux êtres humains veulent être libres et laïques. La liberté est essentielle, évidemment, il n’y a pas à revenir là-dessus. Mais la liberté qu’ils veulent est bien souvent celle de l’ego, de l’égocentrisme : « Moi ! », avec la laïcité qui lui correspond, c’est-à-dire plutôt médiocre, dans le sens où elle manque de profondeur, d’authenticité et d’un véritable sentiment d’altruisme, dont on peut constater actuellement les effets dévastateurs sur notre planète ainsi que sur l’être humain lui-même. »(1)
Dans certains cercles, on parle désormais de « spiritualité laïque », ce que le Dr Daniel Chevassut dénonce comme un pléonasme « dans la mesure où une spiritualité épanouie est l’objectif véritable d’une religion bien comprise »(2). Mais une spiritualité « épanouie » a-t-elle quelque chose à voir avec la laïcité ou plutôt relève-t-elle de notre HUMANITÉ ?
Dire qu’il y aurait une spiritualité laïque comme aboutissement d’une démarche religieuse reviendrait à dire qu’il y a plusieurs spiritualités selon les différentes confessions, croyances, etc. Ce qui d’aucune façon ne peut libérer le monde des oppositions et des incompréhensions qui règnent entre les diverses croyances religieuses. Le vrai problème est donc de spiritualiser le monde sans dogmes ni croyances religieuses.
L’Homme, par nature, étant porteur de la dimension spirituelle, nul besoin de lui imposer par l’extérieur une forme de spiritualité.
Donc plutôt que de s’égarer dans les méandres d’une spiritualité dite laïque, il serait plus raisonnable d’éveiller les consciences à leur identité commune, à leur HUMANITÉ, à travers une éducation qui, par l’éveil à la conscience profonde, est le seul moyen d’aboutir à un monde unifié et pacifié.
Notes :
1 Méditation laïque, spiritualité laïque : que voulons-nous vraiment ?, par Dr Daniel Chevassut, tribune publiée le 24 juillet 2014 sur le site lemondedesreligions.fr.
2 Ibid
NDLR : Il va de soi que la laïcité joue actuellement un rôle important de modérateur dans nos sociétés multiculturelles ou se confrontent, voire s’affrontent, croyances, dogmes et coutumes religieuses.
Mais la globalisation du monde et l’unification de l’humanité demandent que ce qui divise, est source d’incompréhension et de conflit, disparaisse. Pour cela, il est indispensable que l’opposition ésotérisme – exotérisme et spiritualisme – matérialisme soit transcendée. (Voir « La fin de l’ésotérisme » de Raymond Abellio)
Les temps sont mûrs pour que l’être humain s’ouvre à l’approche RÉALISTE de l’existence, inscrite par nature dans la condition humaine, donc accessible à tous.
L’éveil à l’Intelligence du cœur – à la voix de la Conscience et à l’intuition – dès le plus jeune âge, permettra à chacun d’être éclairé, sur son chemin existentiel, par l’Autorité intérieure du plan Cosmique, unitaire et impersonnel de la Conscience, fondement spirituel de toute conscience personnelle.
Seul le réalisme est source de Vérité, d’Unité et de Paix.