LA VIE INTÉRIEURE

Par Bertrand Vergely et Marie De Hennezel.

Nous le savons, les personnes qui ont une vie intérieure en élaborant ce qu’elles vivent par le fait de s’interroger, de se questionner, de sentir, de traduire ce que l’on sent, d’écouter ce qui vient de l’intérieur, de dialoguer avec ce qui parle en nous, les personnes qui ont une curiosité intellectuelle, qui s’intéressent au monde, aux autres, vieillissent mieux que les autres.

Nous avons tous une petite voix intérieure qui nous guide, qui nous explique ceci ou cela, qui nous avertit, qui se réjouit quand nous nous réjouissons, qui s’attriste quand nous nous attristons, qui s’attriste aussi quand nous nous réjouissons de certaines choses, et parfois à l’inverse qui se réjouit quand nous nous attristons de certaines choses.

Nous avons tous en nous la voix de la vie à côté de la voix de notre moi.

Nous ne nous en rendons pas toujours compte. Nous sommes de la vie et pas simplement un moi. Nous sommes une vie qui porte en elle tout le mystère de la vie. C’est ce mystère qui nous parle, qui se réjouit et s’attriste, qui se vit en nous. Il est extraordinaire d’écouter cette voix, de la laisser vivre en nous. En ce sens, la pensée est la rencontre entre le flux de vie qui nous traverse comme une colonne et nous-mêmes.

L’individualisme régnant nous a fait oublier que nous faisons partie de la vie, nous sommes une colonne de vie, nous sommes traversés par la vie des pieds à la tête. Nous sommes dans la pensée, quand nous sommes dans cette vie en la laissant devenir l’axe de nous-mêmes. Nous faisons alors preuve de « raison » au sens fort. Nous disons des choses, nous faisons des choses qui ont un « rapport » avec la vie. Le mot raison qui veut dire rapport prend ainsi tout son sens. Et de ce fait nous nous mettons à être, être voulant dire « être pleinement présent ».

[…]

On aperçoit mieux dès lors ce que signifie la vie intérieure. Elle ne renvoie pas à un repli sur soi, comme on le pense souvent. Elle n’est pas le rejet de l’extérieur. Elle n’est pas le refus des autres et du monde. Au contraire.

Elle consiste à s’ouvrir à l’extérieur, au monde et aux autres, mais en les vivant de l’intérieur.

Cela revient à être présent à ce que l’on fait, à ce que l’on dit, à ce qui se fait et à ce qui se dit. Il s’agit là du contraire d’une attitude désinvolte, négligente, superficielle. Qui est intérieur est intérieur à la présence. Qui est extérieur est extérieur à cette même présence. C’est la présence qui détermine la notion d’intériorité et non le monde.

Source : « Une vie pour se mettre au monde », Marie de Hennezel et Bertrand Vergely, pp.93-97, Editions Carnets nord.

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