Par Hélène Lubienska de Lenval
Dehors il y a le monde. Dehors il y a le bruit. Il y a la hâte, la convoitise, la vanité. Mais la maison ce n’est pas dehors : c’est dedans. Ce n’est pas le monde, c’est nous. Il ne tient qu’à nous de remplir la maison de silence.
Le silence repose, apaise, guérit, console. Il répare les forces, protège la vie, favorise la pensée. Le silence rend meilleur. Lui seul met d’accord l’esprit et la matière.
Irrévocablement associée à l’esprit, la matière peut lui être obstacle ou tremplin, ennemie ou alliée. Prenons cette chaise : si je la bouscule elle se renverse avec fracas ; cette porte, si je la brusque elle gronde en colère. Mais dès que je les manie doucement, elles m’obéissent sans bruit, parce que je suis leur maître pour autant que je suis maître de moi-même.
Le silence est une conquête sur soi et un triomphe sur le monde. Fermons la porte au vacarme. Laissons la frénésie dehors. Que la maison nous soit un abri. Que les choses obéissantes se taisent. Que nos forces se recueillent. Que notre âme se dilate. Que, soumise en nous-mêmes, la matière obéisse à l’esprit.
Source : Le silence : à l’ombre de la parole, 1955, Édition Castermann