L’amour est un mot que l’on utilise de plus en plus, en particulier dans les nombreux ouvrages dit ésotériques ou spirituels qui pullulent de nos jours. Nous parvenons à comprendre que le véritable amour n’est pas seulement physique, mais très rarement on nous l’explique autrement que de manière allégorique. L’amour est un état de conscience où la différence n’existe plus et dans lequel on se sent un avec l’Univers. Il vient de la compréhension que tout est un et que tout est lié. Mais avant de décrire plus avant cet état, il convient d’expliquer comment y parvenir.
Tout le monde s’accorde à dire que l’amour doit unir, donc il convient de savoir ce qui agit à l’encontre de cette union et comment y remédier. Tous les sages de toutes les traditions disent que la pensée est à l’origine de la différenciation et qu’il s’agit de faire ou d’atteindre le silence intérieur.
Pourquoi la pensée et toutes ses déclinaisons à travers le désir, le plaisir, la souffrance et bien d’autres sont sources de désunion ?
L’Homme est à la recherche du bonheur ou d’un certain bien-être et la pensée qui constitue le résultat de toutes ses expériences va lui montrer que bien-être est synonyme de plaisir. Donc il va rechercher à travers toutes ses expériences ce qui lui a procuré du plaisir et comme son expérience dans la quasi-totalité des cas est matérielle, il va courir après ce genre de plaisir.
Cette terre d’épreuves va nous permettre de devenir des êtres conscients ; nous avons l’intuition que l’on ne peut comprendre sans l’expérimentation.
Ainsi l’Homme va courir après les plaisirs matériels et force est de constater malheureusement que ces derniers sont sources de différenciation. Même un aveugle peut constater qu’il y a les riches et les pauvres, que l’envie, la jalousie, la luxure entre autres, sont sources de disputes voire de crimes. Bref, on en arrive à la conclusion que le plaisir ne peut pas remplir le rôle de source de bien-être. On pourrait dire que le riche, quand il a tout, est heureux. Pourtant il y a de nombreux exemples de personnages célèbres, riches, qui semblaient avoir tout pour être heureux et qui sont tombés dans l’alcoolisme, la drogue et qui sont même allés jusqu’au suicide. Non, le plaisir ou sa satisfaction n’est pas ce que l’on cherche réellement. Par contre de nombreux exemples de personnages à travers l’Histoire ont été des témoignages vivants du fait que l’on pouvait atteindre cet état de bien-être permanent et, ils indiquent tous, à un moment ou à un autre, que la première étape pour y parvenir est de se connaître soi-même. Pourquoi est-ce si important de se connaître ?
Tout simplement parce que le sujet de ce bonheur est l’Homme et que s’il ne comprend pas ses propres mécanismes internes, comment pourrait-il comprendre ce qui lui convient ou non ?
Après cette première étape de mise en marche vers la connaissance de soi, – qui par ailleurs ne s’arrête jamais – vient la compréhension du fait qu’il faille faire taire la pensée car elle semble être à l’origine de toute différenciation. L’objet de cette réflexion n’est pas d’expliquer pourquoi ; néanmoins quelques débuts d’explications s’imposent.
En effet, dans tous nos rapports avec le monde environnant, nous ne pouvons pas nous empêcher d’émettre des jugements de toutes sortes qui ont pour origine notre pensée. Or, ce jugement est en lui-même une séparation entre nous et l’extérieur. Il devient donc impossible d’avoir un rapport non séparateur si nous ne faisons pas taire la pensée.
Inversement, nous essayons toujours de donner à l’extérieur une image de nous qui ne correspond pas à ce que nous sommes mais plutôt à ce que nous aimerions être. Et pourquoi faisons-nous cela ? En général parce que notre expérience et notre environnement nous disent que ceci est mieux que cela. Bref, nous sommes sujets de jugements de valeurs qui sont stockés dans notre mémoire, qui alimentent notre pensée et ne peuvent fonctionner sans elle. Ceci n’est qu’une ébauche du pourquoi de la nécessité de faire taire la pensée, mais il s’agit de donner des pistes de réflexions. Il faut donc atteindre un état de silence intérieur.
Il y a deux façons d’obtenir le silence : soit on fait taire la pensée, soit on ne l’écoute plus. Quel que soit le moyen, il s’agit de faire en sorte qu’elle ne s’interpose plus entre nous et le monde extérieur (si tant est qu’il le soit réellement). Une façon d’arriver à ce degré est d’être en état de totale écoute. Il s’agit de ne plus essayer d’expliquer mais seulement d’écouter. Quand on parvient à ce stade, il n’y a plus de barrière entre l’autre et soi. On est en totale réceptivité et à ce moment la compréhension arrive. On comprend le pourquoi de l’autre et alors on est l’autre.
Surgit ainsi un état d’amour car on comprend que l’autre n’est pas réellement l’autre mais un autre soi, on comprend sa peine, ses peurs et pourquoi tout ce qui en l’autre nous séparait n’a pas sa raison d’être. Vient alors un état où l’on voit le destin de l’Homme dans son ensemble et son mouvement dans une seule direction. Ce sentiment d’appartenir à une seule entité fait surgir l’intelligence, l’amour, la compassion et la paix. Alors il n’y a plus de doute, le bien-être est là.
L’amour arrive donc dans cet état de non différenciation ; il ne s’agit pas d’un amour égoïste et possessif mais d’une compréhension et d’un partage dans un mouvement d’ensemble.
Ceci est la réalisation du véritable amour que nous souhaitons à tous de vivre au moins une fois, car il s’agit d’un premier pas vers l’Être.
Source : Le Beaucéant N°204 – novembre 2002.