LIBERTÉ ET MATURITÉ

Par Karlfried G. Dürckheïm

À l’époque actuelle, l’Esprit en Occident traverse une crise qui se manifeste, entre autres, par de nouvelles perspectives et par une acuité de plus en plus grande des problèmes de la vie humaine. C’est pourquoi aujourd’hui l’homme cherche plus particulièrement et plus intensément à comprendre l’éternelle question de la liberté. Il s’interroge :

Qu’est-ce que la liberté ? Comment la découvrir ? Comment la réaliser ?

Il est évident qu’en parlant de la Liberté, je ne vous entretiendrai pas plus de la liberté extérieure que de la liberté nationale, mais uniquement de la liberté intérieure. Nous le savons, la liberté extérieure, celle qui consiste à choisir son domicile, sa situation, son travail, ou à exprimer son opinion, celle que donnent la possession, la prospérité ou la puissance, ne garantit pas encore la liberté intérieure. Nous avons, chacun de nous, rencontré ou connu des êtres ayant une certaine position dans le monde, dotés d’une grande fortune, d’une bonne santé, de dons naturels et d’une belle intelligence, et qui, néanmoins, n’étaient pas libres du tout. J’irai même plus loin ; en général, nous ne nous rendons pas compte que nous sommes entourés de personnes qui vivent dans les conditions extérieures les meilleures et qui sont pourtant prisonnières de leurs cauchemars, de leurs complexes de culpabilité et de leurs angoisses.

Nous connaissons tous également des êtres qui, par contre, malgré des conditions de vie difficiles ou même misérables, rayonnent d’une allégresse remarquable. C’est qu’ils manifestent une liberté intérieure. Et ce rayonnement qu’indique-t-il ? Evidemment une vie spirituelle qui rend l’homme indépendant des conditions extérieures. Cet état, assez rare du reste, ne vient pas tout seul. Il est le fruit de ce que nous appelons la « maturation humaine ». Il n’existe pas de grande liberté sans une « maturation humaine ».

Que veut dire maturité humaine ? Comment se développe-t-elle ? Comment est-elle la base de la vraie liberté ?

La vraie liberté de l’homme ne se réalise qu’en fonction du progrès de sa « maturation ». On pourrait essayer de définir cette dernière comme un « mouvement intérieur » dans lequel la Grande Vie devient de plus en plus consciente d’elle-même dans la conscience de l’homme. L’homme se sentira et deviendra d’autant plus libre que le développement de son esprit permettra à la Grande Vie, présente dans son « être essentiel », de se manifester en lui et par lui. La liberté intérieure exprime une présence de la Grande Vie dans la conscience de l’homme.

[…] Plus l’homme s’identifie à l’appel qui lui vient de cette Source, plus il se rapproche d’un état dans lequel il n’est plus déterminé par les faits de l’existence. Il devient d’autant plus libre que, grâce à sa maturation, il transforme sa forme existentielle en un état d’être perméable à son être authentique, et invulnérable aux conditions de son existence. Plus son être authentique préoccupera sa conscience, plus il envisagera tout en accord avec celui-ci et le concevra comme la chance d’une nouvelle transformation aboutissant à la réalisation de l’homme mûr.

[…] [C’est] le chemin de l’Homme : devenir perméable à son être authentique et capable de le réaliser afin, à travers lui, de manifester la plénitude, l’ordre et l’unité de l’ÊTRE, dans toute situation de la vie quotidienne.

 

Source : Extrait de « L’homme et la connaissance », Édition Le courrier du livre, 1965.

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