Par Claudine Briatore, psychologue clinicienne.
La solitude a mauvaise presse. Tout comme l’ennui. Ces états sont souvent synonymes d’échec de quelque chose… Nous nous sentons seuls parfois, lorsque nous ne nous sentons pas soutenus alors que nous en aurions eu besoin, lorsque, au milieu d’un groupe humain, nous comprenons combien ces liens sont fragiles, imparfaits ou insatisfaisants. Il est alors opportun de recalibrer nos relations, de revoir à la baisse nos attentes idéalistes ou excessives, de reconsidérer la question de la mouvance de nos relations humaines : à quoi pouvons-nous raisonnablement nous attacher quand il est question de relations ?
Mais si revisiter notre vision de la solitude c’était nous faire le plus grand des cadeaux, si nous acceptions de voir tous les trésors qu’elle recèle, tous les possibles qui de cet incertain, ce puits parfois sombre, peuvent émerger ? Dans ce monde hyperconnecté nous nous trouvons saturés : d’informations, de commentaires, d’interprétations, de discours sur les discours… Nos têtes sont happées par le brouhaha incessant qui a enveloppé le monde. Ne pourrions-nous pas, à l’instar du fait que nous organisons nos moments avec nos amis pour le plaisir, organiser aussi nos moments de solitude, de silence, et même, d’ennui ? Juste des moments pour être avec la vie, à son écoute, à l’écoute d’un arbre qui reste là en silence, ou d’un oiseau, de la vie qui s’écoule, tranquille, lente, paisible.
Écrire la vie avec ses propres mots, la peindre avec ses couleurs, la mettre en musique avec ses notes à soi. C’est cela, l’important, à notre époque. À l’époque des « partager » sur Facebook, de tout ce qui se frelate à force d’être dupliqué, répété, vidé de son essence, de tout ce qui est si loin de soi et du cœur de chaque chose. L’important, c’est d’avoir son lien propre à la vie, d’en faire une affaire personnelle, intime, secrète. Et cela se redécouvre dans la solitude, l’ennui, le silence, le temps qui passe pour rien, qui coule sans rien dire.
Se réapproprier la vie et rentrer en prise directe avec son mystère et celui de la question de ce qui nous tient ici. Ma raison d’être là sur la terre, avec tous ces humains. Regarder les étoiles et se reposer la question. Sonder son cœur, se reposer la question… Fermer les yeux un instant et laisser diffuser le mystère dans chacune de ses cellules… Et juste, vivre avec cette question posée au cœur, sans chercher de réponse avec sa tête, simplement laisser infuser, comme le thé se répand dans l’eau, le mystère dans le cœur… Ainsi la vie s’aborde bien différemment avec profondeur et sacré.