LA TRANSFORMATION DES ENFANTS ÉVEILLÉS À L’INTELLIGENCE DU CŒUR

Par Diane Combes.

Il est un fait reconnu dans notre société en mutation : les enfants sont de plus en plus difficiles à gérer et les adultes qui s’en occupent de plus en plus désemparés. Entre l’autoritarisme blessant et le laxisme lénifiant, l’éducation se cherche. Depuis trois ans que je mets en application dans ma classe multi-âges de maternelle « La leçon de Professeur Hibou », qui exhorte à écouter la voix intérieure de notre conscience, je découvre avec joie un nouveau mode d’accompagnement de l’enfant sur son chemin de vie qui respecte sa liberté de conscience tout en l’empêchant de s’égarer. Par voie de conséquence, je constate que le climat de la classe change radicalement et que s’épanouissent naturellement la solidarité, l’entraide et le partage.

L’histoire « La leçon de Professeur Hibou » est parfaitement adaptée aux enfants de trois à huit ans et son message clairement perceptible : la réponse aux situations rencontrées sur le chemin de notre évolution est en soi. Logiquement, cela veut dire aussi que tout ce que l’on apprend pour développer son pouvoir sur le monde doit s’accompagner de cet éveil à l’Intelligence du cœur qui nous en inspire le bon emploi. Les enfants le comprennent très bien et ils montrent une motivation décuplée pour les apprentissages ayant pour support l’histoire et ses personnages. Quand leur cœur s’ouvre, tout prend un sens et ils se mettent à « adorer l’école » comme ils aiment à le répéter.

Dès la première lecture, même si c’est à des degrés différents, tous les enfants sont sensibles à l’histoire. La majorité d’entre eux perçoivent comme S., petite fille de trois ans : « Ça m’a appris à sentir mon cœur. » Leur cœur s’éveille car leur conscience n’est pas encore encombrée par toutes les croyances et les valeurs que le monde adulte cherche à leur imposer. Leur cœur, ils peuvent le décrire comme une très grosse boule de lumière multicolore qui prend tout l’espace de leur corps et même au-delà… Une chose est sûre, c’est que pour eux c’est une réalité vécue et que « ça »  leur parle parfois très fort pour leur dire ce qu’ils ont à faire ou à ne pas faire.

La transformation qui s’ensuit dépend de la maturité individuelle mais aussi de l’accompagnement des adultes et surtout de leur constance dans le fait de renvoyer, en toute circonstance, l’enfant à lui-même. Pour l’éducateur, il s’agit non plus de contrôler par l’extérieur mais de demander aux enfants d’écouter leur cœur, d’aider si nécessaire à les mettre en condition d’écoute, de calme et de confiance, de formuler éventuellement la question à poser en eux-mêmes.

Ce respect fondamental de la liberté de conscience de l’enfant en tant qu’être conscient à part entière, demande de ne pas chercher à le contraindre avant de lui demander son adhésion. Certains enfants ne sont pas prêts à assumer cette responsabilité d’obéir à leur conscience. Cela ne dépend pas de l’âge mais le plus souvent de leur maturité affective. Les enfants auxquels on n’a pas su imposer des limites et des règles, les enfants qui vivent des situations de stress important ou que l’on n’aide pas à prendre leurs distances vis-à-vis des dépendances affectives, ceux qui font ce qu’ils veulent et surtout font marcher les adultes sur la tête, ceux-là ont des difficultés pour accéder à leur autonomie intérieure ; ils ne sont pas en mesure d’obéir à ce qui leur est dicté du dedans. Ils doivent alors commencer par écouter les adultes référents. Là aussi, on doit accepter ce qui est exprimé : « Moi, je ne touche pas à mon cœur ! » ou « Mon cœur ne me parle pas. » ou « Il dort. ». Ces expressions traduisent en réalité une reconnaissance intuitive d’un domaine qui, pour l’instant, leur échappe, leur fait peur ou bien les avertit subtilement : « C’est fini de faire le malin ! ». Ces enfants évoluent ou lâchent prise en voyant les autres s’épanouir.

Une fois leur cœur touché, la plupart des élèves mettent sur le champ en application. C. : « J’ai compris qu’il fallait être sage partout. Quand on a envie de faire des bêtises, il faut dire non à sa tête. » Et cet autre petit garçon M. – dont les parents désespérés pensaient qu’il allait finir délinquant – qui, après avoir entendu l’histoire, fonce dans la cour voir son ancienne maîtresse et lui dit : « Ça y est ! maintenant, je suis sage, j’écoute mon cœur ! » ou encore N. qui, l’année suivant le travail autour de Professeur Hibou, va trouver son enseignante pour lui expliquer : « J’ai donné des coups de pieds à L. Je suis allé m’asseoir dans la cour. J’ai fait le calme, et mon cœur m’a dit qu’il ne fallait pas faire ça. Après, j’ai été complètement sage. »

La transformation peut être définitive : certains travers contre lesquels les adultes s’opposent parfois en vain disparaissent ; ou bien ce mouvement de bascule dans la conscience se renouvelle dans l’instant chaque fois que l’enfant reprend contact avec ses énergies intérieures, symbolisées par le cœur. C’est clairement visible pour celui qui observe ce qui se passe : l’enfant se détend, le visage s’épanouit et les yeux retrouvent leur éclat. Il ne joue pas à quelque chose, il ne fait pas semblant pour faire plaisir, il vit pleinement ce contact avec sa dimension profonde.

Avec ce moyen, la résolution des conflits est des plus efficaces. Chaque élève impliqué se remet lui-même en question en cessant d’accuser les autres et lorsqu’ils partagent ce que leur cœur leur a dit à chacun, la solution est là, dans la complémentarité des réponses, et la situation est totalement apaisée. Les enfants concernés deviennent alors les meilleurs amis du monde.

J’ai constaté également que le degré de présence aux autres et à l’environnement augmente de manière significative quand les enfants sont reliés à leur cœur. Ils voient autour d’eux là où il faut intervenir : retenir une porte qui va claquer, aider un petit à remettre ses chaussures, soulager un enfant malade, aider à ramasser, à ranger, à nettoyer… Il y a des manifestations de solidarité qui font rêver au monde à venir : Dans la cour, S. heurte une haie avec son vélo ; comme convenu dans cette situation, il va poser son vélo pour le reste de la récréation. G. son copain le voit, sans hésiter il va lui-même poser son vélo en exhortant tous les copains : « Allez, on range tous nos vélos, et on continue à jouer ensemble avec S. ! »

Très vite, ils sont préoccupés par l’état du monde et se demandent si leur cœur va rester ouvert. V., 5 ans, analyse : « Quand on est adulte et qu’on n’écoute pas son cœur, on a le cœur qui bat, mais pas le cœur qui parle. » Et une fillette de demander : « Quand on est mort, est-ce que le cœur est vivant ? » Réponse de V. : « Le cœur ne bat plus, mais le Cœur est toujours vivant. »

En permettant aux nouvelles générations de trouver la référence intérieure universelle, on transforme l’état d’esprit de l’être humain. Il ne fait pas de doute que l’ancien monde – dont nous, adultes, faisons partie – disparaîtra avec toute ses incohérences, ses injustices et ses souffrances, pour laisser place à une existence nouvelle dont le sens sera clair pour tous. Aujourd’hui, il est impératif que toute éducation à quelque niveau que ce soit prenne en compte l’éveil à l’Intelligence du cœur.

Source : https://www.vivrelibre.net – Décembre 2018

Télécharger cet article au format PDF